La littératie des plateformes et l’EMI à la rescousse d’un Internet de confiance ?

La littératie des plateformes et l’EMI à la rescousse d’un Internet de confiance ?

La littératie des plateformes et l’EMI à la rescousse d’un Internet de confiance ? 640 484 pa.garreau

(Article publié par Divina Frau-Meigs le 28 février sur la plateforme européenne EPALE)

L’éducation aux Médias et à l’Information (EMI) doit se mettre à la page des urgences liées à la régulation des plateformes en préparation.

L’UNESCO a tenu une conférence internationale les 21-23 février, pour discuter de la régulation des plateformes pour « redémarrer l’internet » et construire « un internet de confiance ». Elle vise la mise en place d’instances indépendantes des pouvoirs politiques et économiques, la responsabilité des plateformes, et l’EMI. Elle confirme le rôle des chercheurs et de la société civile pour utiliser les lignes d’action pour participer à la politique publique, et formuler une critique des processus de recommandation et de radicalisation pour le profit. En sortie, sera préparé un document encore en discussion https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000384031_fre

Le sentiment général est de chaos, d’être au bord du précipice, du fait que les désordres de l’information mènent à des génocides, des insurrections anti-démocratiques, des détournements d’élection, des actions terroristes contre des groupes vulnérables… Avec ce désenchantement du numérique vient la réalité des attaques contre les journalistes, la montée de l’insécurité, le cancre des algorithmes de recommandation et le sentiment d’impunité généralisé des plateformes et des acteurs voyous à l’égard de la situation.

L’AIERI  (Association Internationale des Etudes et Recherches sur l’Information et la communication) et Savoir Devenir ont tenu un pré événement sur les thématiques de recherche concernant la désinformation, le service public des plateformes et la littératie des plateformes. Les résultats ont produit un inventaire de la situation en mettant l’accent sur les tensions, controverses, dilemmes et trilemmes. Trois grandes lignes se sont dégagées : gouvernance, éthique, plateformes. En matière de gouvernance, le risque est de supplanter ce processus multi-acteurs par le recours à la cyber-sécurité.  En matière d’éthique, les droits de l’homme ont été mis en avant, notamment dans les questions de modération et de vérification, avec de nouveaux acteurs que sont les modérateurs, les signaleurs de confiance et les fact-checkers. En matière de plateformes, la situation de monopole des cyber-propriétaires de l’internet a été dénoncée ainsi que leurs positions acquises et leur manque de loyauté à l’égard des autres acteurs du numérique ainsi que la montée de l’autoritarisme numérique.

Parmi les éléments de résilience notés par les chercheurs : la mise en avant de « l’effet Bruxelles » pour l’impact du DSA, de la charte des médias, en espérant que cela impactera les plateformes globalement, la mise en avant de modèles alternatifs de modération, comme la modération fédérative propre au Fediverse et le démantèlement du modèle des plateformes, car l’auto-régulation ne suffit pas et leur cupidité.  Il faut arrêter à la source et non pas nettoyer un petit verre d’eau reversé dans une rivière polluée, pour reprendre une métaphore de Maria Ressa, journaliste et Prix Nobel.

En conclusion, un grand appel a été fait à l’Education aux Médias et à l’Information, pour aller au-delà de ses pédagogies et pratiques traditionnelles. Celle-ci est sollicitée pour faire partie de la formation des journalistes, pour inclure l’algo-littératie et la littératie des plateformes dans le curriculum de base des écoles et des universités. Elle est à la base de la prise de conscience des tensions et dilemmes examinés pour sensibiliser tous les acteurs, notamment les usagers et citoyens. Elle peut aider à transformer les comportements, pour ré-enchanter l’internet.

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